Évolution de la violence guerrière et des rapports de force dans un monde globalisé
L’affrontement en Ukraine réveille le bruit des bottes et du va-t-en guerre. Sidération pour beaucoup convaincus du rayonnement sécuritaire de l’alliance nord-atlantique et de la caducité des réflexes interventionnistes. Surprise pour d’autres ayant mal-interprété le rapport de la Russie avec ses marges et sous-estimé l’appel d’air créé par le désengagement des États-Unis sur d’autres théâtres. Prévisible enfin pour celles et ceux qui observaient sous un angle réaliste le déroulement concret de la confrontation russo-ukrainienne depuis son proche voisinage.
N’en déplaise aux croyances pacificatrices forgées dans l’atmosphère multilatérale des années 1990, le sort de l’Ukraine, comme bien d’autres conflits, vient nous rappeler que la violence guerrière n’a jamais cessé d’habiter, silencieusement ou ouvertement, les rapports de force entre les sociétés et de façonner leurs transformations. Depuis trois décennies, la tendance à la déstabilisation de l’échiquier géopolitique global est un fait. Elle s’explique notamment par la percée de puissances émergentes, l’apparition de nouvelles tensions ou vulnérabilités (changements climatiques, accès aux ressources, flux migratoires, groupes irréguliers…etc) et bien sûr par les limites de l’architecture de sécurité collective scellée dans l’après-Guerre. Sans oublier les errements stratégiques commis par les puissances tutélaires, États-Unis en tête suivie de la Chine et de la Russie (COVID-19, Ukraine), qui contribuèrent directement à cette instabilité. Si la fin de la Guerre froide fit sortir de nombreuses ambitions nationalistes de la boîte de Pandore, l’épisode transitoire d’hyperpuissance américaine et l’accélération de la mondialisation auront provoqué des mutations tout aussi importantes dans les modes d’affrontement.
D’une manière générale, la montée des interdépendances a fourni de nouveaux vecteurs de conquête, de domination et d’influence. Les champs géoéconomique et technologique se sont ainsi convertis en un terrain principal de construction de la puissance, bousculant les équilibres antérieurs entre État, marché et territoire. En plus d’instaurer une nouvelle aire conflictuelle, les flux informationnels et financiers ont modifié la physionomie de la guerre et de l’influence. La dimension sociétale des affrontements est devenue déterminante. Différents acteurs ont appris à bâtir un usage conflictuel de l’information capable de perturber les puissants et de remporter des batailles livrées sur des échiquiers indirects. De fait, la guerre par le milieu social, dont la finalité est d’éroder les soubassements et d’affaiblir une société de l’intérieur, s’inscrit durablement dans le faisceau des offensives. Enfin, l’affrontement militaire, dont les gains politiques s’avèrent de moins en moins bénéfiques en comparaison de ceux obtenus par la force économique ou sociétale, tend à s’inscrire désormais dans un continuum stratégique où tous les théâtres font système et où la frontière entre guerre et paix deviennent moins évidente.
Dès lors, cet environnement étendu à autant de domaines conflictuels pose-t-il un défi à la prise en compte de l’hétérogénéité et à la stabilisation des échiquiers nationaux et internationaux ? Mutation des formes de violence et de domination, intensification des frictions et de la compétition, évolution du paysage stratégique, nouveaux terrains et modalités d’affrontement sur fond de recherche de puissance nationaliste, cette nouvelle matrice conflictuelle s’il en est demeure encore mal comprises au sein de diverses cultures stratégiques. Tant les corps militaires que les élites politiques ou les acteurs civils ne disposent pas d’approches conceptuelles capables de renouveler les points de repères établis durant les années 1990 dans un environnement multilatéral structuré autour de la mondialisation des échanges et du cloisonnement des dynamiques conflictuelles.
Ce cycle de trois webinaires se propose d’explorer certains éléments de ce nouveau paysage en mettant en avant des témoignages originaux.
Objectif : introduire des nouvelles grilles de lecture sur la conflictualité ; contribuer à installer de nouveaux concepts dans les réseaux de la société civile notamment ceux qui participent à des espaces de formation (UiTC, École de la paix).
Modalité : dialogue dynamique et orienté avec des intervenants avec la modération de François Soulard (Dunia) ; réalisation d’un compte-rendu a posteriori diffusé dans les réseaux UiTC et associés.
Webinaire #1 ( français) :
- Marie Le Scolan (Étudiante à Sciences Po Strasbourg, analyste du think thank Werra).
- Nils Andersson (Auteur de Le capitalisme c’est la guerre et de Mémoire éclatée, membre d’Attac)
- Raphaël Chauvancy (officier supérieur des Troupes de marine, enseignant à l’École de guerre économique, auteur de Les nouveaux visages de la guerre).
Webinaire #2 (anglais) et #3 (espagnol) en cours de montage.