1.-­‐ PRÉAMBULE : LES ORIGINES DE L’UITC

 

Une université internationale à dimension planétaire

L’Université Internationale Terre Citoyenne (UITC) est le résultat d’un processus d’accumulation d’expériences de formation qui s’est poursuivi pendant vingt ans.

L’UITC s’est d’abord construite et développée à partir d’expériences de formation évaluées et systématisées dans le cadre du programme Agricultures Paysannes, Société et Mondialisation (APM), de la Fondation Charles Léopold Mayer, du Réseau Interaméricain Agricultures et Démocratie (RIAD), du réseau APM Afrique -­‐ en particulier la formation de l’UPAFA (Université Paysanne Africaine) -­‐, puis, ultérieurement, dans le cadre de l’Alliance Internationale Terre Citoyenne (AiTC). La Fondation Charles Léopold Mayer (FPH), de son côté, a soutenu des démarches de formation faisant partie de ce patrimoine commun.

Forte de la valeur de ses participants et de leurs connaissances, de la diversité des démarches et des organisations, l’AiTC a proposé la construction d’un espace d’échange et de création de connaissances et de savoirs, de formation et de transformation individuelle et collective au niveau international : l’Université Internationale Terre Citoyenne (UiTC). L’UiTC souhaite contribuer à la transformation des sociétés et de leurs modes de gouvernance, une transformation portée par des valeurs de solidarité, de responsabilité, et d’engagement auprès des personnes et de la planète dans son ensemble.

La construction de l’Université Internationale Terre Citoyenne est une aventure humaine collective aux bases sociale, culturelle et institutionnelle. L’UiTC aspire à mettre en lien des acteurs individuels et associatifs souscrivant aux valeurs et aux approches proposées dans cette charte. Elle constitue un espace autonome de formation, d’apprentissage, de partage et d’échange. Elle possède une identité propre. Elle s’ouvre aux dialogues créatifs, générateurs de changements sur les thèmes stratégiques portés par les acteurs sociaux et institutionnels.

 

2.-­‐ CONSTATS ET ANALYSE DU CONTEXTE

 

Éduquer dans la complexité pour faire face aux défis de notre siècle

La gestion du savoir reste l’un des outils les plus puissants pour favoriser le développement des individus et des sociétés. Les différentes formes de savoir et de savoir-­faire, exprimées à travers la culture, la science et la technologie, ont permis d’expliquer l’existence humaine, de stimuler l’esprit d’aventure, de découverte et, d’une manière générale, de faire progresser la pensée.

Elles ont facilité la compréhension des réalités dans lesquelles évoluent les hommes. Mais le savoir a aussi été la principale barrière qui a séparé les nations. Il a divisé les communautés et généré des formes de pouvoir oppressif et d’exclusion. Parvenir à maîtriser certains domaines du savoir est au cœur du développement des civilisations.

L’avenir des pays dépend en grande partie de l’éducation proposée aux citoyens. Il dépend aussi de leur capacité à réformer les systèmes d’éducation actuels et à en concevoir de nouveaux. Ceci constitue l’un des moyens de se préserver ou de sortir d’une certaine forme de vulnérabilité sociale, économique et environnementale induisant des situations d’exclusion, de pauvreté et de faim.

L’histoire nous montre que le niveau de qualité de vie, les possibilités de réalisation personnelle et collective, à la fois sur le plan professionnel et social, dépendent de l’éducation. Il faut insister sur le fait qu’il n’est pas possible de soutenir un réel processus de développement sans réduire le fossé entre ceux qui ont accès aux biens et aux services et ceux qui en sont empêchés pour diverses raisons. Le plus fondamental de ces biens étant l’accès à une éducation et à une formation de qualité.

Le mode de vie des hommes a drastiquement changé durant le siècle passé. Ce changement peut s’expliquer par les progrès réalisés dans le domaine de l’éducation. En effet, au début du XXe siècle, les hommes étaient confrontés aux terribles conséquences des catastrophes naturelles, des famines, des épidémies, à l’inefficacité des moyens de communication, au manque de soins, à un système agricole et de pêche qui ne permettait pas de nourrir la population en de nombreux endroits de la planète.

L’amélioration des systèmes éducatifs a contribué au développement du savoir et des moyens nécessaires à la transition vers une société dite moderne. Les grandes avancées de l’Homme au XXe siècle dans le domaine de l’ingénierie, de la médecine, de l’agriculture, des transports, des télécommunications et de l’électricité résultent toutes directement de grandes réussites en matière d’éducation. Ceci n’a toutefois pas empêché deux guerres mondiales d’éclater.

L’un des problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés au XXIe siècle est la segmentation de la société humaine en de nouveaux groupes et individus : groupes ethniques, nationaux, religieux, linguistiques, économiques, politiques, professionnels. Ce fonctionnement parcellaire et fragmenté ne tient pas compte de l’interdépendance des hommes entre eux et de celle de l’homme avec la nature. Cela engendre une fragmentation sociale et un sentiment d’exclusion, d’impuissance à agir, compromettant ainsi la capacité de chacun à se faire porteur de changement. A ce constat s’ajoutent de fréquentes crises économiques et financières qui, dans l’actualité, se mêlent à une crise alimentaire, énergétique et environnementale, et génèrent une véritable crise de civilisation.

Aujourd’hui nous avons besoin d’un changement de civilisation qui permette de construire les fondements d’un nouveau paradigme. Un paradigme où la science et la technique doivent être subordonnées à la résolution des problèmes sociétaux et à la réduction des déséquilibres entre les hommes et la nature, et qui génère un nouveau regard et un nouveau langage. Ceci pourra nous permettre de réapprendre à vivre ensemble, en harmonie avec la planète, et au service de la mise en place de nouvelles solidarités et sociabilités.

 

La puissance déchaînée par la science et la technologie

Pendant des milliers d’années, les hommes ont connu des situations de guerre et de conflits. Mais
aujourd’hui, l’énorme puissance conférée par la science et la technologie ne permet plus de
continuer ainsi. Les bombes atomiques et nucléaires sont en mesure de décimer des milliers de
personnes en quelques minutes. Aucune guerre ne se joue plus seulement à l’échelle locale.
L’Humanité court le danger de son propre anéantissement.

 

Les catastrophes environnementales

Un autre problème majeur auquel nous sommes confrontés aujourd’hui sont les catastrophes
environnementales : destruction de la couche d’ozone, réchauffement climatique lié à la pollution industrielle, déforestation massive, érosion des sols, gestion des déchets nucléaires, surpopulation, pollution des océans et des mers intérieures, détérioration des ressources de la pêche, disparition d’un grand nombre d’espèces, disparition de l’agriculture familiale. La plupart de ces phénomènes sont dus à notre comportement envers la nature. Durant l’ensemble du XXe siècle et au cours de la première décennie du XXIe siècle, nous avons considéré la nature comme une ressource inépuisable, une ressource qui a été exploitée de manière irraisonnée au nom du commerce et du marché. Cela nous a fait entrer dans une ère de marchandisation de la nature, celle-­‐ci étant considérée comme une nouvelle source de capital. Sans changement de paradigme, nous allons faire face à de plus en plus de catastrophes environnementales.

Dictatures et totalitarismes
Un grand nombre de gouvernements actuels sont encore des dictatures militaires, idéologiques, religieuses, ou des dictatures déguisées en démocratie. Très peu de pays peuvent aujourd’hui se prévaloir d’une véritable démocratie et d’une liberté d’expression qui permettent de questionner, de penser, d’écrire ce que l’on pense. Les dictatures étouffent la dissidence et la différence. Sans changement profond de la relation entre les citoyens et le pouvoir en place, ce dernier demeurera un outil de destruction et de domination. L’éducation doit contribuer à une utilisation démocratique du pouvoir.

 

Le divorce entre le savoir et le sens

A travers le monde, les systèmes éducatifs tendent essentiellement à produire des individus intelligents et disciplinés, des chefs de file dans leur domaine d’activité. L’éducation actuelle est donc destinée à générer de plus en plus de pouvoir et à former des personnes de plus en plus flexibles face aux besoins du marché. A cela s’ajoutent l’intensité, la rapidité, et la complexité des changements et des phénomènes sociaux, la perte des traditions, l’apparente instabilité du savoir, la prédominance de ‘systèmes experts’ et la perception diffuse des risques engendrés par la globalisation.

Dans ce contexte, on constate une difficulté croissante à garder leur sens et leur valeur aux choses.
Les citoyens le ressentent particulièrement dans leur vie professionnelle et personnelle, ce qui se révèle être une véritable source de souffrance. La formation elle-­même doit faire face à d’importants niveaux d’incertitude sociale, à un conflit d’interprétation permanent, à un sentiment diffus d’anomie et à un affaiblissement du sentiment de confiance naturellement nécessaire à la sécurité ontologique des individus.

Or, l’éducation devrait permettre au monde dans lequel nous vivons de conserver son sens, d’apprendre à interagir avec lui et de résoudre les problèmes qui se présentent. Tout en tenant compte des progrès liés à la mondialisation, il faut avancer en pleine conscience de notre citoyenneté, de notre singularité, des liens qui nous unissent malgré notre diversité, et de l’importance de la vie sur la planète.

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3. -­‐ LA PERTINENCE DE L’UiTC : UNE FORMATION POUR LE CHANGEMENT ET L’ACTION

Un changement de civilisation ne se produit pas seulement parce que des individus ou des collectivités ressentent la nécessité d’une nouvelle façon d’agir et de penser la planète et les besoins humains. Il se réalise aussi en construisant concrètement de nouvelles formes de gestion et de co-­gestion de nos sociétés et de nos relations avec la planète. Le changement se traduit aussi par la création pratique de conditions permettant à chacun de vivre son existence de façon libre et démocratique.

L’UiTC représente un espace symbolique permettant de réapprendre, de se réapproprier ce qui a été rejeté, sous-­‐estimé, ou simplement abandonné, suite à l’implantation d’un modèle global productiviste et déshumanisant. Il s’agit d’une contre-­‐proposition basée sur le savoir, la formation, l’expérimentation, le dialogue, le respect et la prise en compte de la diversité, l’ouverture d’esprit et le développement de la conscience citoyenne.

La pertinence de l’UiTC réside dans sa capacité à collaborer à la formation des citoyens et au renforcement des organisations de la société civile. Le monde actuel est inévitablement multiculturel et multinational. Nombre de nos problèmes les plus urgents requièrent la mise en place d’un dialogue qui puisse rapprocher des personnes d’origines nationale, culturelle et religieuse très différentes, ceci afin d’aboutir à une solution intelligente et partagée.

Selon l’idéal du “citoyen du monde”, nous devrions toujours être capables de reconnaître la valeur de la vie là où elle se manifeste, de nous sentir unis par nos forces et par les problèmes communs auxquels nous devons faire face. Les anciennes traditions des peuples d’Asie, d’Amérique, et d’Afrique nous enseignent que la «culture de l’humanité», le bien vivre, la plénitude ou le Sumaj kawsay nécessitent la recréation permanente de l’harmonie avec soi-­même, avec les autres et avec la Nature qui est notre Mère.

 

4.-­‐ LES OBJECTIFS DE L’UITC : CONTRIBUER PAR L’ÉDUCATION À COMPRENDRE COMMENT LA SOCIÉTÉ CHANGE EN VUE D’AIDER À BÂTIR UNE SOCIÉTÉ PLANÉTAIRE, PLURALISTE, SOLIDAIRE, DÉMOCRATIQUE ET DURABLE

L’Alliance Internationale Terre Citoyenne s’est particulièrement efforcée d’établir et de consolider l’articulation des liens entre les personnes et les diverses organisations sociales autour de la formation des citoyens et des leaders sociaux. Ces formations ont pour but de développer la capacité à comprendre et à transformer les relations complexes qui caractérisent les sociétés modernes. Plus généralement, elles visent à contribuer à la construction d’une communauté planétaire plurielle, solidaire, démocratique et durable.

L’Université Internationale Terre Citoyenne a pour objectif de se constituer en espace ouvert, un espace de ‘réflexion-­‐action’ qui recueille, renforce, fait connaître et partager l’expérience des individus, des organisations et des mouvements sociaux dans le but de générer des savoirs novateurs, de construire des agendas publics intersectoriels et multidimensionnels, et de promouvoir des environnements favorables au renforcement des capacités des leaders sociaux, citoyens et professionnels.

Le projet global de l’UITC est aussi de comprendre les principales transformations du XXème siècle qui sont à l’origine des nouveaux paradigmes du XXIème siècle. Il est d’élaborer de façon participative une nouvelle proposition de gouvernance citoyenne qui dépasse les schémas idéologiques en vigueur et conçoive la démocratie et l’État comme une ré-­‐adéquation constante, dynamique, complexe au service des personnes et de leurs organisations. Le principe fondamental de l’UiTC est de reconnaître le dialogue créatif entre les savoirs traditionnels (issus des peuples et de la mémoire collective), les savoirs assujettis, et les connaissances scientifiques et technologiques, dans le but de construire de nouvelles façons de penser et d’agir pour aujourd’hui et pour l’avenir, dans des contextes qui se révèlent souvent de plus en plus complexes.

Actuellement, nous constatons deux choses. D’une part, l’extension, l’intensité, la rapidité et les impacts des flux, des interactions et des réseaux sociaux obligent les gouvernements à se questionner sur le lien existant entre éducation, politique, économie, environnement, société, et culture. D’autre part, la constitution de nouveaux systèmes technologiques d’information et de télécommunication facilite ces processus et génère de nouveaux contextes d’action sociale et de formation des personnes. Ceci a été révélé, en particulier, à l’occasion des mouvements sociaux du Printemps arabe et des Indignés espagnols et européens.

La valorisation des expériences accumulées par divers acteurs sociaux et institutionnels permet à l’UiTC d’élaborer une synthèse de différentes propositions méthodologiques allant de la systématisation à la transformation pédagogique, aux dialogues générateurs de changements, à la pédagogie de l’action, à la transformation positive des conflits, à la communication, à la coopération, à la solidarité, à la formation, au service, à la diffusion des connaissances, à la formation, à la portée sociale, culturelle et économique du savoir, à l’incidence pédagogique et politique dans la formation de nouveaux citoyens et leaders sociaux.

L’expérience cumulée conjointement par les mouvements sociaux et les organisations sociales indique que les domaines sur lesquels baser le travail de l’UiTC sont liés à la croissante interconnexion des activités au niveau mondial, à l’accélération des interdépendances, à la compression espace/temps et au fonctionnement de certaines sphères comme unités en temps réel à l’échelle planétaire. Sur le plan politique, ils sont liés à l’affaiblissement de la distinction entre ce qui relève de l’interne et de l’externe, à l’apparition de nouveaux régimes de souveraineté et à une redéfinition des fonctions de l’Etat-­‐nation. Dans ce contexte, la formation se doit de répondre aux nouvelles demandes imposées par la transition vers une société globale plus durable :

  • Comment comprendre le monde qui est en train de se créer autour de nous ?
  • Comment contribuer au développement des nations dans des conditions de croissante technicisation de la vie ?
  • Comment s’adapter aux transformations que connaît l’espace national-­étatique ?
  • Comment gérer l’environnement culturel engendré par la société de l’information ?
  • Comment influer sur l’exécution de nouveaux agendas publics de façon à initier un changement de civilisation ?
  • Comment avoir de l’influence sur les transformations institutionnelles, la conception et l’exécution de politiques publiques intersectorielles ?
  • Comment organiser l’action individuelle et collective à partir des leçons du passé mais aussi d’un futur émergeant ?

 

5.-­‐ VALEURS DE L’UiTC

De quelle façon changer notre approche de l’éducation pour le XXIème siècle?
Quelle nouvelle vision paraît nécessaire afin de favoriser l’émergence d’un changement?
Quelles valeurs doit-­on promouvoir au sein de cette Université?

a) Construire une vision globale et consolider notre capacité à vivre ensemble
Nous sommes tous citoyens d’un monde et la Terre est notre habitat commun. Ce qui affecte une partie de la planète aujourd’hui est l’affaire de tous. Nous avons besoin de nous sentir concernés par le monde dans sa globalité et de ne pas nous préoccuper seulement d’un territoire localisé, comme
un pays par exemple. Cette appartenance à une seule humanité nous offre la possibilité de résoudre les problèmes de manière démocratique, grâce à un engagement commun. Il est nécessaire de travailler à la résolution des problèmes locaux et mondiaux en faisant preuve d’une compréhension et d’une vision globale des phénomènes.

b) Prendre en compte l’humain dans sa totalité
L’éducation doit veiller au développement de toutes les dimensions de l’être humain -­‐ intellectuelle, émotionnelle, physique, et spirituelle -­‐ afin de permettre à chacun de développer un esprit créatif et de vivre en ayant le sentiment de faire partie d’un ensemble. Si les hommes peuvent différer en ce qui concerne leurs capacités, ils doivent avant tout être traités de manière égale et être respectés indépendamment de leurs compétences. La solidarité active doit primer sur l’efficacité.

c) Cultiver le doute
Grandir humainement en se posant des questions plutôt que vivre avec des certitudes. À chaque âge, les questions apparaissent bien-­‐sûr différentes mais la capacité à réfléchir et à apprendre par soi-­‐
même doit prévaloir sur une conduite consistant à simplement obéir, faire et produire. En ce sens, il convient de développer un esprit souple et non dogmatique, ouvert à la réflexion, au changement, capable d’apporter un jugement éclairé, une opinion argumentée et non arbitraire. En d’autres termes, il convient de développer une intelligence ouverte sur la vie dans sa globalité et sa complexité.

d) Privilégier la coopération
L’attitude actuellement en vigueur dans nos sociétés qui consiste à mettre en avant la réussite individuelle et la réputation personnelle apparaît irrationnelle. Nous sommes tous intimement liés et interdépendants. Peu de résultats peuvent être obtenus en étant seul ou isolé. La capacité à travailler en équipe et de façon harmonieuse est plus importante que la réussite individuelle. La coopération est l’essence de la démocratie.

e) Prendre en considération les différentes formes d’apprentissage
L’éveil de l’intelligence, soit la capacité à apprendre par soi-­même, à écouter et à dialoguer, doit passer avant la simple aptitude à mémoriser, à la fois dans le milieu universitaire et dans la vie. Ce qui peut être enseigné est parfois limité dans le temps et en quantité mais la faculté d’apprentissage des individus est immense et cet apprentissage se poursuit tout au long de la vie. Le respect, l’amitié,
l’amour, la beauté, par exemple, sont des valeurs et des concepts qui ne peuvent être enseignés mais
qui peuvent être appris, suscités, éveillés au travers de différentes expériences personnelles. Ce processus ne doit pas être négligé car il constitue une part essentielle et une forme ce que l’on peut globalement appeler l’«intelligence ».

f) Reconnaître les savoirs de type scientifique et intuitif
Nous avons cloisonné les différents types de savoirs en séparant ceux issus de la recherche scientifique et ceux provenant d’une forme d’intuition basée sur la capacité à porter un regard ouvert. Ces derniers sont souvent écartés. L’enseignement, tel qu’il est prodigué aujourd’hui, et notre éducation en général, reposent exclusivement sur des principes de rationalité scientifique et
nous transmettent donc des savoirs scientifiques. En réalité, ce sont deux approches complémentaires. L’une se concentre sur l’ordre des choses telles qu’elles se manifestent dans le monde extérieur (la matière, l’énergie, l’espace, le temps). L’autre nous permet d’appréhender et d’explorer le monde intérieur de notre conscience (la paix, l’harmonie, la vertu).
Nous devons œuvrer afin de développer une intelligence qui comprenne à la fois les savoirs scientifiques (précis, rationnels, etc.) et les savoirs intuitifs qui nous dévoilent le sens de la beauté des choses, de la surprise, de la sensibilité esthétique, etc., et nous permettent de prendre conscience des limites de l’intellect. La connaissance de soi et du fonctionnement intérieur de l’être humain est aussi importante que la compréhension du monde extérieur.

g) Apprendre l’art du bien vivre
L’éducation, au-­‐delà des arts spécifiques comme la peinture, la musique ou la danse, doit apprendre
l’art de vivre, de façon créative. Nous prétendons contribuer à une éducation qui veille au développement, à l’épanouissement de l’homme, au bien-­être de l’individu dans son intégralité, au-­delà de la simple notion de confort matériel. Si ce dernier est nécessaire, il n’est qu’un élément parmi d’autres. En effet, l’homme ne pourra être considéré comme véritablement instruit s’il ne possède pas une compréhension profonde de sa relation avec la nature, avec le monde des idées, avec les autres, et s’il ne fait pas preuve d’un réel respect pour la vie. L’éducation au XXIème siècle doit être essentiellement fondée sur la reconnaissance de la dignité humaine et la défense de la vie.

h) Élargir les mentalités et décloisonner les esprits
Aujourd’hui le système éducatif produit de plus en plus souvent des individus spécialistes d’un domaine précis (ingénieurs, médecins, avocats, agronomes, etc.).
Si un certain degré de spécialisation des compétences est sans doute devenu nécessaire ou inévitable au vu de la complexification de nos sociétés, cela ne doit pas pour autant nous faire perdre de vue les liens profonds qui nous unissent et qui unissent différents domaines entre eux. Nous devons garder en tête une vue d’ensemble.
L’éducation doit contribuer à éveiller notre curiosité dans différents domaines, notre envie de connaître et d’explorer d’autres champs que celui dans lequel l’on se spécialise.

 

6.-­‐ LES PRINCIPES DE L’UiTC

 

Principes pédagogiques : formation à la citoyenneté et au leadership du XXIème siècle

La proposition de l’UiTC est centrée sur l’idée de générer le leadership à partir de la systématisation critique que les citoyens font de leurs propres expériences, de leurs apprentissages et du futur qui émerge. De cette façon, la formation au leadership citoyen est un cadre de reconstruction de savoirs pratiques, un cadre intentionnel de dialogue sur ce qui relève du domaine public, et en particulier sur la question d’une nouvelle culture de la durabilité et la compréhension des phénomènes planétaires.
La fondation et le développement de l’UiTC requièrent un ensemble de propositions méthodologiques et de styles de formation différents de ceux qui prédominent. Il est donc indispensable d’établir une carte de la “pédagogie du leadership” qui donne un sens et une rationalité intégratrice à la totalité des actions formatives de l’université.

Dans ce contexte, nous reconnaissons les apports de Paulo Freire, entre autres, à l’éducation des adultes et spécialement à la reconnaissance des savoirs des acteurs, à la pensée critique, au lien entre les pratiques et l’élaboration conceptuelle, au rôle central de la communication et à la fonction transformatrice de la connaissance. Aux contributions initiales de l’éducation populaire, il faut aussi tenir compte de l’apport de la méthodologie de systématisation d’expériences en tant qu’instrument pour reconstruire les expériences de façon critique, tirer des leçons de la pratique et enclencher la construction de nouveaux savoirs. Enfin, nous ne pouvons pas ne pas mentionner les contributions des versions contemporaines de l’éducation populaire qui incorporent et renforcent les Nouvelles Technologies d’Information et de Communication, le travail en réseau et les intelligences collectives comme supports à la construction de communautés au niveau local, national et global.

La formation au leadership citoyen est un processus de création et de renforcement des capacités des individus, communautés et organisations engagés dans ce processus, afin qu’ils exercent leurs droits et responsabilités citoyennes dans le cadre de leur action publique et en accord avec les valeurs qu’inspirent un développement profondément humain.

Le leadership se développe dans la sphère publique, mobilise des idées, construit des projets et stratégies, des agendas de travail. Il articule des acteurs en fonction d’objectifs publics. Son exercice est donc toujours produit de l’intention. Il cherche à générer des transformations à partir des dynamiques particulières des personnes et des communautés.
Dans le monde de la politique et de l’entreprise privée ont toujours prévalu des visions du leadership associées à des compétences techniques destinées à conduire de façon efficiente les groupes sociaux. Le leadership serait donc basé sur une rationalité méthodologique validée uniquement par une logique de résultats.
Cependant, selon l’approche de l’UiTC, le leadership se construit selon une interprétation de la réalité. Cela implique une pratique réflexive et une maîtrise méthodologique orientée par des valeurs explicitement énoncées.

 

En conséquence, l’Université cherche à contribuer, par la formation des citoyens et des leaders sociaux:

• A générer des projets, des stratégies collectives en fonction des expériences passées mais aussi du futur émergeant,
• À générer un agenda public pour le changement institutionnel et social,
• À créer une culture méthodologique associant diverses dimensions du développement
des personnes, en particulier l’analyse, l’interprétation, la réflexivité, la projection critique et les capacités à travailler en équipe et en réseaux sociaux, • Au développement de la capacité de réflexion sur l’action et l’expérience personnelle, • Au renforcement des identités collectives,
• À l’autonomisation (empowerment) des organisations sociales,
• À la construction et à la recréation permanente de l’autonomie des mouvements sociaux.

 

La stratégie dialogique de la formation UiTC se développe sur la base des attributs suivants :

• Elle est orientée vers le futur, cherche à générer des capacités de projection parmi ses participants et pose la question du développement comme étant un domaine de recherche et d’action publique;
• Elle entend la formation comme expérience dialectique, délibérative et collaborative, en tant que recherche mutuelle et plurielle de nouveaux sens pour le leadership;

• Elle développe et met en relation des compétences à partir de l’expérience des citoyens afin d’améliorer la capacité à problématiser la réalité, à identifier et analyser les problèmes et à définir des stratégies de transformation sociale en vue de solutions d’intérêt collectif;

• Elle met à disposition des leaders les théories déjà existantes pour expliquer et penser de façon complexe leurs propres expériences à travers la réflexion épistémologique et la connaissance des débats sur les nouveaux paradigmes en sciences sociales et en politiques de développement, en favorisant une perspective interdisciplinaire, de genre et interculturelle;

• Elle évalue et analyse le contexte de connaissances et promeut une réflexion critique sur les actions personnelles, de façon à ce que les actions des individus changent non seulement les situations, mais, en plus, permettent de modifier les formes et contenus des connaissances en ce qui les concerne;

• Elle élabore la portée des savoirs qu’amènent avec eux les participants et place les actions individuelles dans un contexte faisant partie d’événements et de processus;

• Elle reconnaît le droit à la parole pour tous les participants des communautés d’apprentissage et renforce l’expression de tous les acteurs pour reconstruire les expériences et pour la création de nouveaux sens sur la base des témoignages et interprétations des expériences;

• Elle recherche les motivations et intérêts particuliers et délibère au travers de procédés publics quant aux engagements que chacun peut assumer à partir des pratiques mêmes du leadership.

 

Principes de fonctionnement de l’UiTC

Pour mener à bien la mise en œuvre des processus éducatifs et de formation, l’UiTC se dote de principes de fonctionnement qui lui permettront de répondre à ses ambitions. Ces principes sont fondés sur:

• La construction d’une gouvernance démocratique, transparente et efficace pour renforcer les actions dans tous les domaines de travail;
• La recherche du consensus et la co-­‐responsabilité dans le processus décisionnel et la mise en œuvre des tâches dans l’UiTC;
• La collaboration, le partage, et la complémentarité comme instruments sur lesquels repose le travail collectif;
• La recherche de la durabilité de l’UiTC, grâce à la diversification de ses ressources humaines et financières qui permettent d’éradiquer la recherche du profit comme stratégie de financement, d’être sans but lucratif et de maintenir les produits et services de l’UiTC dans le champ des biens communs d’utilité collective.